J'ai donc mentionné plus avant que je travaillais au bureau d'études des Ponts et Chaussées, il s'agissait de reporter sur une épure (papier à dessin) ce que nous avions relevé sur le terrain; j'ai aussi mentionné que la paye était squelettique.
L'épure en question était un infâme amas de gribouillages, de calculs, mais un calqueur était chargé de mettre tout cela au propre afin de monter des dossiers présentables; il était encore moins bien payé que nous, roulait ses cigarettes et les allumait avec un briquet qu'il emplissait avec de l'essence pour voitures; ceci occasionnait des flamèches qui, après s'être envolées au dessus de lui, retombaient sur son travail; il les essuyait d'une revers de main, ce qui constituait des traces de suie qu'il grattait avec une lame de rasoir, je me demande s'il ne passait pas davantage de temps à gratter qu'à calquer.
Il prétendait avoir été capitaine dans la Résistance, lorsque les allemands confondaient notre pays avec le leur; nous l'avions donc baptisé "el gran capitano de la gratacion", c'était assez stupide mais l'on en riait d'abondance.